Déménager les Gazaouis… ?
Un siècle durant, les Arabes, puis les Palestiniens, ont obstinément refusé tout partage de la terre. Donald Trump en tire les conclusions : les vaincus doivent partir.
Le 8 janvier 2004, l’historien israélien Benny Morris a perdu brutalement tous ses amis (de gauche). Il venait de déclarer au quotidien Haaretz qu’ « il y a des circonstances dans l’Histoire qui justifient le nettoyage ethnique. Je sais que ce terme est complètement négatif dans le discours du XXIe siècle, mais quand il faut choisir entre le nettoyage ethnique et le génocide – l’annihilation de son peuple – je préfère le nettoyage ethnique. »
Benny Morris justifiait ainsi l’exode de 700 000 palestiniens à l’issue de la guerre d’indépendance d’Israël en 1948. « Une société qui veut vous tuer vous force à la détruire. Quand le choix est entre détruire ou être détruit, il vaut mieux détruire » ajoutait-il.
Aujourd’hui, après le 7 octobre 2023, les voix qui, au sein de la gauche israélienne, pourraient s’élever contre l’idée de réimplanter un million et demi de Gazaouis en Egypte et en Jordanie sont faibles. La proposition de Donald Trump de s’« impliquer auprès de certains pays arabes (Jordanie, Egypte) pour construire des logements dans un autre endroit (que Gaza), où ils (les Palestiniens) pourront peut-être vivre en paix pour changer » est une proposition de rupture.
C’est le « pour changer » qui est important. Donald Trump a compris que reconstruire Gaza en laissant la population actuelle en place ne mènerait qu’à une nouvelle guerre.
Pourquoi le président américain pense-t-il ainsi ? Parce qu’il en a toujours été ainsi.
Le « partage » de la terre, considéré par toutes les chancelleries comme la pierre angulaire de la paix au Proche Orient, est une idée fausse. Elle n’a jamais produit que la guerre et la rancœur.
Le “Partage” : un siècle d’échecs
Les premières tentatives de « partage » ont eu lieu sous le Mandat britannique (1918- 1947). La Grande Bretagne chargée de réaliser la promesse Balfour de créer un « foyer national juif » en Palestine s’est heurté à l’hostilité arabe immédiatement.
- 1929. Le premier plan de partage est celui de Horatio St. John Philby, haut fonctionnaire britannique qui imagine la Palestine comme une entité arabe ou la minorité juive aurait ses droits préservés. David Ben Gourion a expliqué à Philby que les Juifs n’étaient pas venus en Palestine pour se retrouver en position de minoritaires.
- 1930. Le gouvernement britannique met en place la Commission Shaw qui propose le statu quo, à commencer par le gel de l’immigration juive. La même année, un autre rapport dit Rapport Simpson affirme que l’immigration juive et les achats de terre par les organisations sionistes sont préjudiciables aux intérêts arabes. L’immigration juive en Palestine est donc ralentie.
- 1933. Le rapport French étudie les questions foncières entre juifs et arabes et préconise de restreindre l’immigration juive en Palestine en raison du chômage provoqué chez les Arabes par les achats de terres sionistes. Les riches propriétaires arabes et/ou turcs vendaient leurs terres et les ouvriers agricoles arabes perdaient leur revenu.
- 1936, Nuri Said, ministre des Affaires étrangères irakien, propose une fédération de Palestine, qui irait de la Transjordanie à l’Irak. Quelques cantons - à l’immigration soigneusement limitée - seront dédiés aux Juifs. Une fuite orchestrée dans la presse fait capoter le projet.
- 1937, la commission Peel propose le partage de la Palestine mandataire en trois entités séparées. Les lieux saints sont autonomisés (sur demande du Vatican) et deux zones sont créées en fonction des densités de populations, l’une pour les Arabes, l’autre pour les Juifs. L’État juif proposé par la commission Peel fait 5 000 kilomètres carrés et ne comprend pas les quartiers juifs de Jérusalem (70 000 Juifs sur les 400 000 vivant en Palestine). Les Juifs acceptent le partage mais les Arabes le refusent.
- Le 23 décembre 1937, une nouvelle commission britannique, appelée Hyamson-Newcombe, propose en janvier 1938, une partition. Le mufti de Jérusalem (celui qui collaborera avec les nazis) rejette toute idée de partition et réclame la fin de l’immigration juive.
- 1938, la Commission Woodhead a proposé une partition dans laquelle le projet d’État juif a été réduit par rapport au plan Peel. Les Arabes refusent toute idée de partition.
- 1939. La Conférence Saint James s’ouvre à Londres entre février et mars 1939. Mais le refus des Arabes de s’asseoir aux côtés des représentants de l’Agence juive a fait échouer la conférence, qui a été ajournée sans résultat.
- Le 2 juillet 1943, le cabinet de guerre examine une dizaine de mémorandums sur la Palestine. Certains proposent de transporter le foyer national juif en Cyrénaïque et d’autres proposent de donner la plus grande partie de la Palestine à l’État juif. Rien de concret ne sort de cet examen.
- 1945. Le premier ministre Bevin propose une union fédérale entre la Transjordanie et la Palestine sous la souveraineté d’Abdallah. Rejet des sionistes qui préfèrent un Etat croupion autonome qu’un canton supervisé par des Arabes.
- 1946. Le Plan Morrison Grady propose un nouveau partage avec des frontières juives qui passent par Jérusalem et le Néguev ; refus des Arabes qui ne veulent pas de partage.
- 1947. Le Plan Bevin du nom du ministre britannique des affaires étrangères succède au plan Morrison - Grady. Ce plan-là aussi est rejeté. Lasse de ses échecs successifs, la Grande-Bretagne remet son mandat à l'ONU et prépare son départ de la Palestine.
- Le 29 novembre 1947, l'Assemblée Générale de l'ONU vote la résolution n°181 qui partage ce qui reste de la Palestine mandataire en deux Etats, un pour les Arabes, l’autre pour les Juifs. Les Arabes refusent le partage et déclarent la guerre.
- 1948. Guerre d’indépendance : Israël défait une coalition de pays arabes. 700 000 Arabes de Palestine prennent le chemin de l’exil. Ben Gourion proclame l’indépendance de l’Etat d’Israel.
- 1967 et 1973. Les pays arabes qui ont refusé le partage, refusent la paix et tentent de détruire l’Etat d’Israël. Echec.
Comprenant qu’ils ne vaincront pas militairement, les Arabes transfèrent le refus de partage aux Palestiniens. Ce sont eux qu’il faut convaincre de vivre en paix à côté des Juifs.
- 1978. Accords de Camp David et signature d’un traité de paix entre l’Egypte et Israël. Echec d’un accord qui règlerait définitivement le « problème palestinien » et les droits de propriété sur Gaza et la Cisjordanie.
- 1982. L’initiative Reagan tente d’associer la Jordanie au règlement du conflit avec les Palestiniens. Echec.
- 2000. Plan Clinton. Accords de Camp David. Tout est partagé en deux - au caillou près-. Les Palestiniens se voient proposer Jérusalem-est comme capitale, 96% de la Judée Samarie (West Bank), plus 4% d’Israël pour compenser les 4% manquants en Judée Samarie. Yasser Arafat tourne les talons et déclenche la seconde Intifada. Bill Clinton ne s’en remettra jamais.
- 2003. Accord de paix de Genève dit Plan Beilin – Rabbo. Cet Accord de Genève consacre les 13 clauses de son Article 6 à Jérusalem qui deviendrait la capitale des deux États. Echec
- 2005. Les Israéliens se retirent de Gaza. Pour les Palestiniens, la preuve est faite que le partage est inutile, il suffit d’attendre pour obtenir tout le territoire.
- 27 novembre 2007 - déclaration d'Annapolis. Lancement d’une conférence réunissant l’OLP, Israël, et les Etats Unis en vue d’un plan de partage. Sans résultat.
- 2008 plan Olmert. Refus de signer de Mahmoud Abbas qui estime qu’il obtiendra mieux de Barack Obama.
- 2014. Echec du plan de partage proposé par John Kerry et Barack Obama.
Un siècle de « plan de partages » : quel bilan ?
Un siècle durant les Arabes ont refusé toute idée de partage tandis que les juifs ont refusé tout projet de protectorat qui les aurait placé sous la tutelle d’un régime arabe.
La conclusion logique est que le « partage de la terre » ne fait pas partie de l’ADN islamique. Le monde musulman juge insupportable d’avoir à traiter d’égal à égal avec les Juifs tandis que les Juifs, et là aussi c’est une constante, ont refusé toute position de minoritaire dans une société arabe qui ne prévoit pas d’égalité pour les religions minoritaires.
L’islam est au fondement du refus obstiné des Arabes de partager la terre. Reconnaître le droit des juifs à vivre en paix sur la terre d’Israël reviendrait à reconnaître qu’Allah a fait don de la terre de Canaan deux fois aux Hébreux.
Une idée que le narcissisme musulman juge intolérable.
Cela ne signifie pas que la paix est impossible. Cela signifie que la terre doit appartenir au vainqueur et que le vaincu doit vider les lieux.
La solution à deux États ne perdure que dans les têtes sans cerveau.
Israël from River to the Sea ...
Shavua Tov Lekoulam.
magistrale analyse de l'Histoire
merci pour ce travail d'info.