Gaza : l’enjeu stratégique de l’aide alimentaire
Qui distribue le pain contrôle la population
le New York Times vient de publier un article très documenté sur le chaos alimentaire qui règne à Gaza… Les camions n’osent plus rentrer de peur d’être pris d’assaut par des gangs de pillards ou par les miliciens du Hamas. Le Hamas et les gangs sont en concurrence pour s’accapare les milliers de tonnes de farine, d’huile, de sucre … dépêchés à Gaza par le contribuable occidental.
Depuis le début de la guerre, le Hamas attaque les camions du Programme d’Aide Alimentaire (PAM). Mais ces larcins qui étaient marginaux sont devenus un « pillage systématique, tactique, armé et organisé » par des groupes organisés, a déclaré Georgios Petropoulos, un haut responsable de l'ONU basé à Rafah, dans le sud du pays. « Il s'agit simplement d'un vol à grande échelle », a-t-il déclaré.
Qui fait régner l’ordre ?
Personne.
Que font les Israéliens ? Le NYT explique qu’ils sont tout à la fois accusés de laisser faire et empêchés d’agir.
« Les organisations humanitaires internationales accusent Israël d'ignorer le problème et de laisser les pillards agir en toute impunité. L'ONU n'autorise pas les soldats israéliens à protéger les convois d'aide, de peur que cela ne compromette sa neutralité, et ses responsables ont appelé Israël à autoriser la police de Gaza, qui est sous l'autorité du Hamas, à sécuriser leurs convois » écrit le New York Times.
Oui, vous avez bien lu :
- 1 - L'ONU n'autorise pas les soldats israéliens à protéger les convois
- 2- L’ONU exige que la police du Hamas contrôle l’aide alimentaire.
En trois phrases, le journaliste du Times a dessiné l’enjeu politique et stratégique de l’aide alimentaire à Gaza. L’ONU condamne l’action militaire israélienne à Gaza et ne veut pas apparaître comme étant de mèche avec l’Etat hébreu. En revanche, l’ONU ne se sent nullement gênée de militer pour que l’aide humanitaire qu’elle fournit soit distribuée par le Hamas.
Cette manière de consolider le pouvoir du Hamas à Gaza, rappelle un peu la connivence de l’UNWRA avec le Hamas. Israël a en effet accusé l’UNWRA, ,filiale de l’ONU spécialisée dans l’aide aux réfugiés palestiniens, d’avoir participé aux massacres du 7 octobre 2023. Israel affirme aussi depuis longtemps que ce même UNWRA aide le Hamas à consolider son emprise sur le territoire.
Depuis le début des hostilités entre Israel et le Hamas, l’aide alimentaire a été un instrument de guerre. Un instrument de guerre contre Israel. « Le monde entier fait la charité, mais Israel fait obstacle à sa distribution et cherche à affamer les Gazaouis » affirment en substance l’ONU et les ONG comme Oxfam : « Seule une dizaine de camions d’aide humanitaire ont distribué de l’eau et de la nourriture dans le nord de Gaza en deux mois et demi », a affirmé dimanche 22 décembre 2024 l’ONG Oxfam.
Une information totalement démentie par le COGAT, l’organisme qui coordonne l’aide aux Gazaouis pour le compte de Tsahal. « Depuis octobre, plus de 2 100 camions d'aide humanitaire sont entrés dans le nord de la bande de Gaza » a affirmé le Cogat, le 23 décembre 2024. Et pour toute la bande de Gaza, « plus de 1 000 camions ont été acheminés la semaine dernière » ajoute le COGAT le même jour.
Priver Tsahal d’un quelconque contrôle sur l’aide alimentaire qui rentre à Gaza est une aide directe de l’ONU au Hamas.
Le contrôle de l’aide alimentaire est un signe de pouvoir.
C’est un phénomène bien connu des sociologues qu’en Orient, le patron d’un territoire est celui qui prend en charge les besoins de la population. Ces relations paternalistes – fréquentes en Europe au XVIIème et au XVIIIème siècle – ont survécu en Orient. La relation patron – client se constitue quand une personne physique ou morale (en l’occurrence, un mouvement terroriste) met à disposition d’une population vassale, des ressources vitales que ces dernières ne contrôlent pas.
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Pour la population de Gaza, le patron du territoire est moins celui qui envoie ses chars, que celui qui livre des fruits et de la semoule. Pour les Gazaouis, le patron de Gaza est celui qui distribue ostensiblement une ressource vitale. C’est ce qui peut expliquer que le Hamas continue d’être perçu par les Gazaouis comme le vrai patron du territoire, celui auquel ils doivent loyauté, car il est celui qui les nourrit au quotidien.
Au Liban, le Hezbollah met des terres agricoles, des services médicaux gratuits des aides au logement pour les jeunes couples, des subventions, des prêts sans intérêt… qui sont perçus par la population chiite comme le devoir du patron envers son client. Celui qui donne est rémunéré en retour par une loyauté sans faille.
En 2012, le Bulletin d’information des services de renseignement américains (« Language and cultural competency » in Military Intelligence Professional Bulletin, janvier-mars 2012) a consacré une étude approfondie à la relation patron – client afin d’aider l’armée américaine en projection hors de son territoire à obtenir le soutien de la population locale. Dans tous les cas affirme l’étude, la générosité du patron a pour corollaire la loyauté du client. Cette relation se prolonge autant que dure la générosité du client. Les obligations sont personnelles, discrètes et généralement invisibles au regard du reste de la population. En échange, le client manifeste sa gratitude en vantant publiquement les mérites du patron et se faisant l’avocat des intérêts du patron.
Longtemps après le 7 octobre 2023, les sondages réalisé par le Palestinian Center for Policy and Survey Research, montraient que le Hamas demeurait soutenu par la majorité de la population et que cette population approuvait massivement l’attaque du 7 octobre 2023 qui est à l’origine des violences qu’elle subit actuellement.
La loyauté incompréhensible de cette population extraite de son logement, jetée dans la rue, submergée par la peur et réduite à la mendicité s’explique sans doute par le fait qu’elle dépend toujours du Hamas pour sa survie. Si les camions cessaient de rentrer dans Gaza, ou si l’armée israélienne prenait elle-même en charge la distribution alimentaire, il ne serait pas exclu que l’attitude de la population change. Sa fidélité au Hamas évoluerait peut-être.
Israël a envisagé un moment de faire des clans familiaux qui structurent la population de Gaza, une alternative au Hamas. L’idée est séduisante, mais le 14 mars 2024, le mukhtar (chef) du clan Doghmush, une puissante tribu de Gaza, a été exécuté par le Hamas pour avoir participé à la distribution de l’aide humanitaire en collaboration avec Israël. Il a été traité de collabo et sa mort a été décidée dans un « tribunal » du Hamas. Et malgré leur grande puissance de feu, les membres du clan Dogmush n’ont pu sauver leur chef.
C’est à ce genre d’évènement qu’on pouvait voir que l’armée israélienne ne contrôlait pas réellement Gaza.
Les mafias sont le signe de l’affaiblissement du Hamas
Mais aujourd’hui, le surgissement des mafias montre, après un an de guerre, que le Hamas subit une concurrence féroce. Et qu’il a dû abandonner des pans entiers de son contrôle sur Gaza.
Combien de temps, ce délitement peut-il encore durer longtemps, aussi longtemps que la bande mafieuse du Hamas détient les otages israéliens qu’elle a capturé il y a plus d’un an.