Benjamin Netanyahou est passé d’une libération des otages par la guerre, à une libération des otages par la négociation. Aujourd’hui, après le plus grand massacre de juifs depuis la création de l’Etat d’Israel et après la plus vaste prise d’otages, Israel ne cherche plus à détruire le kidnappeur, mais à s’entendre avec lui. En apparence au moins.
Ce renversement est la conséquence de pressions extérieures multiples : volonté de l’administration Biden de sauver le Hamas (refus de livrer des armes à Israel si pas de cessez-le-feu, obligation de nourrir la population ennemie, de l’alimenter en énergie, refus de faire pression sur le Qatar etc) et ralliement de Donald Trump à la proposition de cessez-le-feu de Joe Biden…
Mais dans ce cessez-le-feu imposé, dans ce calvaire d’une libération d’otages égrenée sur plusieurs semaines, les dirigeants israéliens ont aussi une part de responsabilité. Ils ont mené une guerre sans doctrine claire concernant les prises d’otages. Et la pression sociétale a placé les otages au centre du conflit.
Pidyon shvuyim où La rédemption des captifs
Les juifs attachent un prix élevé à la vie. Et depuis 2000 ans, les ennemis des juifs se se sont transmis l’information : prenez des juifs en otages, « ils paieront ».
De la destruction du Temple (70 après J.-C), à la résurrection de l’Etat d’Israel en 1948, des dizaines de milliers de Juifs ont été capturés et rançonnés. Au Moyen Age, les croisés finançaient leur aventure en kidnappant et dépouillant des juifs. Au XVème siècle, l’Inquisition espagnole a pris de nombreux juifs en otages pour leur extorquer de l’argent ou les obliger à dénoncer leurs coreligionnaires qui pratiquaient le judaïsme en secret.
La Shoah, ne fut qu’une immense prise d’otages ou les Nazis rançonnaient en même temps qu’ils exterminaient.
C’est au long de ces deux mille ans d’exil que les docteurs de la loi juive ont élaboré la doctrine du Pidyon shvuyim, ou « La rédemption des captifs ». Elle se résume à « tout faire pour libérer les otages », la limite étant que la communauté ne devait pas s’auto-détruire dans cet effort de libération.
Deux mille ans durant, les juifs se sont dépouillés pour sauver des enfants comme pour sauver des adultes. Cette morale est devenue la règle.
La création de l’Etat d’Israel n’a pas réellement changé la donne. Les prises d’otages ont continué. Et les rançons ont continué d’être payées, non plus en argent, mais en libération de prisonniers.
En juillet 1968, Youssef Rajab et Leila Khaled, détournent un avion d’El Al sur Alger. Trente-sept prisonniers palestiniens condamnés à de lourdes peines seront libérés pour obtenir la libération des passagers.
En mars 1979, le Front populaire de libération de la Palestine-Commandement général - une des factions de l’OLP - relâche le soldat israélien, Abraham Amram, capturé le 5 avril 1978, contre 76 prisonniers palestiniens, dont 12 femmes.
En février 1980, Israel échange le prisonnier Mahmoud Bakr Hijazi, un milicien du Fatah contre le soldat Shmuel Fais, enlevé par le Fatah fin 1969.
En 1983, Pour obtenir la libération de six soldats des forces spéciales de la brigade ‘’Nahal’’ capturés au Liban-Sud par les combattants du Fatah, le gouvernement israélien relâche 4 700 prisonniers palestiniens et Libanais.
En mai 1985 : Israël libère 1 155 détenus palestiniens en échange de trois soldats capturés au Liban en 1982 par le Front populaire de libération de la Palestine-Commandement général (FPLP-CG).
Mais parfois, l’Etat d’Israel a regimbé. Quand la prise d’otages s’avérait trop lourde, une riposte a été organisée.
En 1972, quand 11 athlètes israéliens aux Jeux Olympiques de Munich, ont été pris en otages, torturés et assassinés, Israel a monté une opération secrète intitulée « Colère de Dieu ». Tous les Palestiniens de Septembre Noir impliqués dans le meurtre des athlètes ont, au fil du temps, été exécutés. Il s’agissait de rendre justice aux familles mais aussi de dissuader.
En 1974, trois terroristes du FDLP (Front démocratique de libération de la Palestine) ont pris en otage plus de 100 enfants et enseignants dans une école à Ma'alot (Nord d’Israël). Faute d’accord satisfaisant avec les terroristes, Golda Meir ordonne l'assaut. 22 enfants seront tués par les terroristes et de nombreux autres seront blessés. Cette fermeté de Golda Meir a été critiquée à l’époque. Les familles d’enfants assassinés ont laissé entendre que le premier ministre ashkénaze aurait peut-être pris une décision différente si les enfants avaient été originaires d’Europe de l’Est et pas d’Afrique du Nord.
Deux ans plus tard, en 1976, un vol Air France est détourné par un commando germano-palestinien à Entebbe (Ouganda). Là encore, il ne s’agit pas de négocier. Une opération militaire est montée qui sauve cent otages israéliens. Le raid sur Entebbe est entré dans la légende.
En 1986, les Forces de Défense d’Israël mettent en place la Directive Hannibal. Cette directive a pour but d’empêcher la capture de soldats israéliens par les forces ennemies, fut-ce au prix de la vie des soldats enlevés.
Jusqu’aux années 2000, tous les gouvernements de droite ou de gauche, ont payé ou riposté. Alternativement. Sans doctrine particulière.
Le comble de l’incohérence s’est produit en 2006.
En juin 2006, le soldat Guilad Shalit est capturé en territoire israélien par un commando du Hamas. Aucun accord n’est trouvé, mais aucune riposte militaire n’est organisée.
Le mois suivant, le 12 juillet 2006, le Hezbollah traverse la frontière et kidnappe 2 soldats réservistes, qu’ils ramènent en territoire libanais. S’ensuit une guerre totale de quatre semaines (12 juillet au 14 août 2006) qui a opposé l’Etat d’Israel à l’organisation terroriste Hezbollah.
2006 est la quintessence d’un comportement incohérent. Quand Guilad Shalit est capturé rien ne se passe. Mais pour deux soldats capturés par le Hezbollah, une guerre totale s’engage.
En 2011, Benjamin Netanyahou échangera Guilad Shalit contre plus d’un millier de prisonniers palestiniens.
Pourquoi négocier à 1000 contre 1 avec le Hamas ?
- Sans doute à cause des accords d’Oslo. En donnant des gages au Hamas, Benjamin Netanyahou a cherché à fragiliser l’Autorité Palestinienne (AP). La droite israélienne n’a jamais voulu d’un Etat palestinien et a toujours refusé que l’AP, cette figure polie, impopulaire et corrompue du Hamas, incarne le futur Etat Palestinien.
Mais ce jeu politicien entre deux « Palestines », le Hamas et l’Autorité Palestinienne, a été brutalement rompu le 7 octobre 2023. En attaquant Israël, en tuant 1200 Israéliens et en enfermant plus de 200 otages israéliens dans les souterrains de Gaza, le Hamas a rebattu les cartes.
Blessé, furieux de s’être laissé surprendre, Israel a fait la guerre au Hamas en 2023 comme il a fait la guerre au Hezbollah en 2006. Résolument. L’essentiel de l’appareil militaire du Hamas a été détruit, mais les otages n’ont été que partiellement récupérés. Ce sont eux qui dictent aujourd’hui les conditions de la paix et de la guerre.
Quelles leçons tirer du 7 octobre ?
- Que le Hamas et prêt à aller jusqu’à la destruction de la société palestinienne pour afficher un lambeau de « victoire ». Et les otages sont l’instrument de la « victoire ». Le désir des juifs de sauver des vies est instrumentalisé par les islamistes pour dicter leurs
règles à l’Etat d’Israel. Le pidion shvouyim est une règle de l’exil qui joue peut-être aujourd’hui contre l’Etat hébreu.
- La prise d’otage a un effet délétère sur la société israélienne. Après le 7 octobre, le fossé s’est en effet creusé au sein de la population israélienne. La gauche a porté le Pidyon Shvoyim à incandescence. Des manifestants ont par milliers, accusé, semaine après semaine, Netanyahou de ne rien faire pour libérer les otages. Michael Oren, historien et ancien ambassadeur d’Israel écrit : « Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue chaque semaine, non pas pour protester contre l’inhumanité du Hamas, mais contre l’intransigeance présumée de leur propre gouvernement. (…) Netanyahou, ont-ils protesté, a condamné les otages à la mort. »
- Les otages prolongent la guerre. Entre les pressions externes pour un cessez-le-feu et les pressions internes pour un Pidyon Shvoyim sans conditions, la guerre à Gaza s’est enlisée.
- Les guerres prolongées font monter la colère dans le monde arabe, renforcent l’ « islamo-palestinisme » et bloquent tout projet de normalisation entre Israel et ses voisins.
- Les libérations massives de prisonniers engendrent une souffrance au sein de la population israélienne. Les familles qui ont souffert du terrorisme supportent mal que les assassins de leurs enfants soient libérés parce qu’une prise d’otages a été réussie.
Faute de doctrine claire et consensuelle sur les otages, Israel accepte aujourd’hui un cessez-le-feu qui met à mal la coalition au pouvoir, laisse le Hamas en position de survie à Gaza et l’Autorité Palestinienne en mode attente.
Faute d’un débat interne dégagé des contingences politiciennes sur le pidion shvouyim, Israël risque d’encourager les prises d’otages à l’avenir.
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100% d’accord.
Doctrine SIMHAS TORAH: plus jamais de négociation à la suite d’une prise d’otage + tout meurtre d’un israélien entraînera une riposte de facteur 1000 qui est le ratio établi par ces terroristes ignobles.