Les Juifs de gauche sont-ils encore juifs ? (2)
Dans l’épisode 1, « Les juifs de gauche sont-ils juifs ? »(1) on a vu des juifs de gauche comme Amos Schoken, propriétaire de Haaretz, adopter le discours des ennemis d’Israel. Pourquoi ?
Dans une lettre envoyée à Hannah Arendt, célèbre philosophe et politiste juive, l’historien du judaïsme Gershom Scholem lui reprochait d’avoir, comme beaucoup de « juifs de gauche », « une profonde aversion pour tout ce qui touche au sionisme ». Il venait de lire « Eichmann à Jérusalem », et reprochait à Arendt le ton acerbe qu’elle avait utilisé pour critiquer la mise en scène du procès, le procès lui-même et la collaboration des élites juives avec les nazis dans les pays colonisés par le Reich.
La même « aversion » envers le sionisme peut-elle être reprochée à la clique de Haaretz, celle qui affirme qu’Israel est un pays d’apartheid et que les miliciens du Hamas sont des “combattants de la liberté” ? Les journalistes du célèbre quotient israélien répondraient comme Hannah Arendt sans doute, qu’ils appartiennent au peuple juif que cela plaise ou non à leurs détracteurs. Mais ils ajouteraient sans aucun doute que leur sionisme, n’a de sens que s’il accompagne un système de valeurs.
Un système de valeurs?
Les “valeurs” dont se prévalent les journalistes de Haaretz sont les mêmes que celles qui sont mises en avant par la gauche progressiste, par les ONG de défense des droits de l’homme et qui affirment qu’en Israel et en Judée Samarie, les Palestiniens souffrent d’ « inégalités » qu’ils sont « discriminés », qu’ils vivent dans un système d’ « apartheid » et de « colonisation » ou les droits humains ne sont pas respectés.
Gideon Levy – éditorialiste de Haaretz et alter ego idéologique d’Amos Schocken – coche toutes les cases de ce sionisme « progressiste ». Gideon Levy affirme qu’ « Israël a perdu son humanité » à Gaza tout simplement parce qu’Israel se défend contre plus faible que lui.
Détruire un ennemi du peuple juif ne serait acceptable pour les juifs progressistes qu’à la condition de ne tuer personne. « Avons-nous vraiment le droit de faire cela (tuer 25 000 personnes) » demande Gideon Levy en reprenant sans discuter les chiffres du Hamas ? « Qu'est-ce que cela révèle sur nous, sur nos valeurs morales ? »
Ca ce qui compte n’est ce pas, n’est pas la sécurité du territoire israéllien, ni la sécurité de la population israélienne, mais la bonne image morale que certains juifs progressistes ont d’eux-mêmes.
Pour Haaretz, la sécurité est inadmissible si elle a pour prix des morts palestiniens.
« 25 000 personnes supplémentaires tuées à Gaza garantiront-elles davantage de sécurité à Israël ? Et même si oui, avons-nous le droit de le faire ? ».
Sous-entendu : « non, la sécurité d’Israel serait immorale si elle passait par le décès de 25 000 ennemis supplémentaires ».
Un juif moral à le droit de se défendre, mais à la condition de n’attenter à la vie d’aucun de ses ennemis.
On retrouve ici toute l’argumentation des ONG gauchistes (Amnesty, Human Rights Watch, Fédération internationale des droits de l’homme…) qui interdisent à Israel de se défendre, car se défendre revient à protéger la « colonisation », l’ « apartheid », le « racisme » institutionnel d’Israel envers les Palestiniens etc.
« Juifs de maison »
Dans le Jérusalem Post, David Christopher Kaufman - comme son nom ne l'indique pas, Kaufman est à la fois noir et juif - s’en est pris à Sarah Friedland, une Gideon Levy en jupon. Sarah Friedlan, est une réalisatrice de film. Et elle a utilisé le prix qui lui a été décerné au Festival du film de Venise pour dénoncer Israël et défendre la cause de la Palestine. Jonathan Glazer, un autre réalisateur juif, avait agi comme elle aux Golden Globe Awards en avril 2024.
Kaufman compare ces juifs du dénigrement qui se rangent aux côtés des ennemis d’Israel, aux « noirs de maison » des grandes plantations de coton du sud des Etats Unis. Ces esclaves domestiques vivaient dans la maison du maître, étaient dispensés du travail des champs et prenaient aussi grand plaisir à se distancier des esclaves des champs.
Kaufman traite ces juifs qui utilisent leur notoriété pour se désolidariser d’Israël de « juifs de maison ».
La peur
Mais ce n’est pas seulement un narcissisme moralisateur qui incite les « juifs de maison » à dénigrer les juifs d’Israel. C’est la peur explique Kaufman. La plupart de ces juifs ont vécu à l'abri de l'antisémitisme. Surtout aux États Unis. Ils ont franchi tous les obstacles que l'Amérique blanche avait mis devant eux, ils ont fréquenté les meilleures universités, ils ont des relations dans l'élite blanche américaine et ils ont une bonne conscience en béton.
« Ils ont donc trouvé normal de manifester pour la Palestine et de liker #blacklivesmatter. Ils ont milité pour les opprimés, ils ont approuvé les règles de la diversité et de l’inclusion, et tout naturellement, ils ont dénoncé le « génocide » des juifs sur les Palestiniens ».
Autrement dit, ils ont opté pour les « valeurs » au détriment de la solidarité avec les juifs d’Israel.
« Pourquoi les Juifs de maison sont-ils les seuls à abandonner si facilement leur propre peuple ? Pour continuer à bénéficier des avantages et des fastes que la société leur a consenti ? Certainement, mais pas seulement. Ils l'ont fait parce qu'ils ont eu peur » dit Kaufman. Ils n'étaient pas préparés à cette vague mondiale d'antisémitisme. Ils ont eu peur que le Hamas et le Hezbollah ne fassent pas la différence entre les « bons » juifs de gauche progressistes pétris de « bonnes » valeurs et les « mauvais » juifs, ceux de la « colonisation », de l’ « apartheid » qui défendent leur pays.
La majorité des juifs de la planète aujourd’hui se solidarisent avec les juifs d’Israel. Ce sont des mauvais juifs. Les autres, les bons juifs de gauche, ceux qui préfèrent leurs « valeurs » à la pérennité d’Israel sont peut-être encore juifs, mais ils sont aussi devenus profondément antisionistes.
Yves Mamou